DESSIN
Un premier trait/point… la suite est de l’ordre de l’imprévu ; entre maîtrise et lâcher prise, accidents et réactions, le dessin prend forme. Ombre, lumière, volume, matière, couleur, indiquent des pistes à suivre, totalement éphémères, arbitraires, aléatoires. Et c’est comme un message codé qui s’impose, une histoire qui aurait pu être autre, mais voilà, qui est maintenant et tout de suite ce qu’elle est. L’histoire, les histoires, se font sous le trait du crayon, se défont, s’imbriquent - dialoguent - entre infiniment grand et infiniment petit, macro et micro-mondes. En fin de compte, le rendu esthétique est indéterminé, élastique, ouvert. Il se veut d’ailleurs éphémère, comme un signe des temps.
PROCESSUS DE CRÉATION
Certes le point de départ est arrêté, voulu, connu… le choix d’une grande économie de moyens affirmé. L’arrivée, elle, n’est pas envisagée, envisageable. Là n’est pas le propos, mais bien plutôt dans le processus de création : une forme d’écriture automatique par l’accumulation, la répétition, qui donne toute son importance au geste.
ESPACE CRÉÉ
Ce geste que l’on appréhende d’autant plus face aux installations de Ganaëlle Maury, où le dessin, réalisé in situ, visible dans sa construction, acquiert une nouvelle dimension. Prise en compte d’un monde, un espace architectural, un environnement, une atmosphère, et création tout à la fois d’un monde autre, personnel et impersonnel… confrontation de l’intérieur et de l’extérieur. Le geste devient passerelle, la source de tous les possibles.
Entretien avec Joanna Carillo - janvier 2012
Comment la démarche est-elle survenue ?
Il y a environ 4 ans, j’ai beaucoup regardé et analysé le fonctionnement du dessin contemporain. J’y ai récupéré des détails qui plastiquement m’attiraient pour les multiplier jusqu’à remplir l’espace de la feuille. Je crée des surfaces au degré zéro du dessin à partir de milliers de traits et de motifs. Ce qui m’intéresse c’est le détail dans le dessin.
Comment procédez-vous ?
Au départ, cela s’est exprimé par l’envie d’esquisser quelques traits afin d’assouvir un besoin de dessiner dans des situations qui ne sont pas forcément propices à la création (comme un croquis posé sur le coin d’un carnet lors d’une discussion téléphonique). La faculté et le besoin de s’extraire des choses, cet entre deux, le lâcher-prise, entre le sommeil et le réveil (proche d’un état hypnotique) m’intéresse particulièrement. Lorsque je commence un dessin, je ne sais jamais à l’avance quelle forme il va prendre. Je me laisse guider par l’accumulation du trait et du geste. C’est une attitude que j’emploie pour laisser place à la surprise et quelquefois à l’erreur. De manière intuitive et lente, le dessin se construit et s’étire de lui-même.
Sur quels critères constituez-vous vos séries ?
Mes créations sont issues de différentes périodes de ma vie. Les motifs suggèrent des influences organiques sans toutefois permettre une lecture littérale ou la reconnaissance de formes naturelles spécifiques.
Quelles sont selon vous les formes de développement et de renouvellement de votre travail ?
Après un travail de multiplication et de saturation, m’est apparue la volonté de faire preuve d’épuration afin de traduire cette impression de flottement du dessin qui m’était chère et ainsi de rendre une autonomie de la forme. Parallèlement, j’ai expérimenté le procédé du dessin automatique (mode de création utilisé par les protagonistes de l’Art Brut et de DADA) afin de laisser place à l’expression de l’inconscient et à une plus grande liberté. Concernant le renouvellement, les possibilités sont infinies. Les premières directions de mon travail sont intuitives et spontanées. Je le développe ensuite de manière plus construite, avec un souci d’équilibre. Quant au renouvellement formel, il peut se traduire simplement à travers les couleurs, les formats, les outils et la mise en espace.
Est-ce que vous vous sentez héritière de la gravure?
La technique de la gravure est plus dure, plus laborieuse alors que le rotring est fluide et permet une certaine souplesse et légèreté. Il reste une technique plus appropriée à mon travail.
Avec cette part d’inconscient peut-on parler de sentiments précis?
Il est évident qu’il n y a pas d’idéologie commune comme une visée politique ou sociologique. Mes dessins ont avant tout un point de départ commun, figeant ainsi la sensation du moment, comme pour poser sur le papier mes impressions et ma part d’inconscient. De ce fait, l’environnement, la musique, les personnes qui m’entourent au moment de la création peuvent être une source d’inspiration. En faisant appel à l’inconscient de chacun et à ce que la forme peut évoquer, je souhaite laisser place à la libre interprétation. C’est pourquoi je donne rarement de titre à mes dessins. Ma seule envie est de retranscrire quelque chose de vivant.